Attendre

J'ai peur.

Toutes les salles d'attente se ressemblent ou presque. Il y a ces chaises au faux design, en plastique, semblant accueillantes qui se révèlent de vrais instrument de mal -être en 10 minutes. Une table basse ou une petite bibliothèque présente des journaux écornés à force d'avoir été tripatouillés. Non, parce que l'on ne va pas chez le médecin ou le spécialiste pour lire ou pour être installé confortablement. Il est absolument hors de question de se détendre, de se divertir et encore plus de s'endormir.

Les fleurs sont interdites et à juste titre compte tenu des règles d'hygiène, les rares fleurs en plastique que j'ai pu rencontrer sont délavées par de trop fréquents et énergiques récurages ou grisonnantes de poussières, évoquant l'ouverture d'un vieux tombeau égyptien.

Parfois traînent de vieux jouets, en plastique pour mieux faire la désinf' et assurer la traçabilité. D'ailleurs le four de la cuisine miniature n'a plus de porte, les duplos ne sont que trois, les rares revues enfantines sont déchirés et gondolés de salive des plus petits.

Le fin du fin ce sont les deux chaises plantées dans le couloir, à l'hopital, en face du bureau du spécialiste. Il n'y a pas de revue, juste un va et vient de blouses blanches. Dès que la porte s'ouvre, les regards se lèvent et s'interrogent: c'est mon tour ou au votre?

 Chacun se jauge, s'épie, se questionne. Quelqu'un se lève...et surgit à mon esprit la boiterie typique d'une insuffisance du moyen fessier ou le manque du pas postérieur post ablation de plâtre de la cheville. Je ne peux m'empêcher de le voir, c'est devenu instinctif. Je ne peux pas être une patiente ou une kiné. Je suis une kiné qui est patiente...même si je deviens impatiente. Ma vie ne se résume pas à ma pathologie (encore indéterminée à ce jour) ou à mon métier, c'est un tout. Comme je le disais à ma médecin généraliste "Je ne vais et ne peux m'amputer le cerveau".

J'appartiens à une catégorie de personnes chiantes à soigner. J'essaie la plupart du temps de ne pas dire mon métier. Pourtant, je n'en ai pas honte. C'est juste que je voudrais être soigné sans appréhension par le personnel soignant, je veux leur faciliter la tache. Je suis une patiente très compliante comme on dit dans notre jargon. Voire même, je me plie trop et la mal-traitance peut poindre le bout de son nez. Je ne pipe mot même si en mon fort intérieur je souhaiterais crier.

Demain, je serais dans une salle d'attente que je ne connais pas, avec un spécialiste que je ne connais. J'aimerais juste être entendue et qu'enfin quelqu'un mette un mot sur mes maux.

J'ai peur.