A H1N1: touché, coulé
Tout et n'importe quoi a été raconté sur cette épidémie de grippe, celle que l'on nous donnait pire que la grippe espagnole d'après guerre et que la plupart ont qualifié a posteriori de "gripette".
J'ai vu les cas les plus graves, ceux que vous avez peut être vu à la télévision, lors de ces reportages chocs de média qui n'ont décidément rien compris.
C'était une femme jeune, elle a développé son infection grippale tout en accouchant. Ses poumons ont lâché et sitôt bébé sorti, elle a été IVS (Intubée, Ventilée,Sédatée) et dirigée dans notre réanimation qui faisait centre de référence. Ses poumons étaient tellement agressés que la mise en place d'une ECMO* a été rapidement effectuée. Pendant plus d'un mois...Chaque change, chaque changement de drap faisait vibrer l'interphone des galeries. "Besoin de bras en unité 6". On ne se posait plus la question, on savait ce à quoi il en retournait. Elle était là, suspendue entre la vie et la mort, reliée à cette machine, qui alimentait toutes nos peurs**.
Ce n'est pas la patiente que je vous décrit, mais une photo tiré du site reamartigues.hautetfort.com.
Et puis, un jour, le sevrage d'ECMO a pu se faire. Nous, les kinés, avons commencé notre travail de sevrage ventilatoire et de rééducation fonctionnelle car après un mois de curare, la complication de neuro-myopathie de réanimation était inévitable. Les médecins lui avaient sauvé la vie. A nous, kinés, de lui rendre sa vie sociale: s'assoir, se mettre debout plus ou moins longtemps, marcher avec puis sans aide, avec puis sans ventilateur. un travail de longue haleine, douloureux parfois mais la patiente était une battante. reprendre le contrôle d'un corps devenu étrange et étranger car il ne réponds plus aux sollicitations intrinsèques. Elle voulait enfin rencontrer sa fille, son premier enfant...Elle avait un objectif et toute l'équipe médicale et paramédicale s'est défoncée pour elle, elle avait la niak!
Elle a rencontrée son enfant...il avait trois mois. Pour elle et son enfant, une séparation de trois mois, à ce moment là, c'est un gouffre mais la relation mère-enfant s'est créé d'une autre manière (grâce à une super psychologue aussi).
Ce n'était pas une "grippette", ni pour elle, ni pour nous. C'était notre premier cas de grippe H1N1.
C'était le premier mais pas le dernier. Au maximum de l'épidémie, 50% des patients étaient IVS pour H1N1 dont la moitié sous ECMO. J'ai vu le pire et je n'ai pas regretté de m'être fait vacciner et de faire vacciner ma fille de 4 ans.
J'ai vu une jeune femme développer un anasarque tellement important qu'elle était méconnaissable. Au fur et à mesure, ses parents réduisaient puis espacèrent leurs visites. Ce n'était plus leur fille, conforme à leur souvenir, c'était une douleur pour nous de voir leur visage quand ils rentraient dans sa chambre. Elle est partie un jour pour ailleurs, elle ne s'est jamais réveillée...
Non, ce n'étaient pas une "grippette". Une des secrétaires avait fait des recherches sur les hospitalisations pour cause de grippe sur les dix dernières années à la demande du chef de pôle. Entre la grippe saisonnière et la grippe A H1N1, le rapport sur 10 ans a été de 1 pour 26... H1N1 vainqueur par KO.
Lors d'un dîner entre amis, j'ai posé la question pour savoir qui était ou allait être vacciné, aucun ne le voulait, la polémique par média avait trop attirée la méfiance. J'étais la seule de la tablée a avoir fait la démarche et mon discours et les réponses à leurs questions n'ont pas changé leur point de vue. J'ai eu peur de les voir un jour arriver dans mon service.
Non, ce n'était pas une "grippette". Mais coté communication et média surtout, cela a été un beau fiasco.
*ECMO: ExtraCorporeal Membrane Oxygenation soit une oxygénation par membrane extra-corporelle
**Et nos peurs ont pris réalité mais cela sera dans un autre article