un an: l'heure du bilan
Un an...un an d'arret maladie, un an de douleurs, un an d'examen...C'est l'heure du bilan, de s'arreter un instant et de regarder où mes pas m'ont mené.
Le chemin parcouru est à la fois court et long, le temps de la médecine n'est pas le temps du patient, comme le temps de la justice n'est pas le temps du justiciable ou de la victime. J'aurais passé plus de temps à attendre un résultat d'examen ou une consultation chez le spécialiste qu'à agir véritablement.
J'aurais eu pas loin de 50 tubes de prélèvement sanguin, un scanner, une scintigraphie osseuse, 6 radiographies du rachis, deux IRM, quatre jours d'hospitalisation traditionnelle et un jour d'hospitalisation de jour en 9 mois avant d'avoir un premier diagnostic, mais erroné. Certaines analyses sanguines étaient peu chères comme la Numération Formule Sanguine, d'autres ont du coûter la peau des fesses comme la recherche d'anticorps ou le western blot. Je n'ose faire le calcul mais la somme doit être vertigineuse. Mais, parallèlement aux coûts, il y a eu l'exposition aux rayons...je ne sais pas comment faire le calcul mais je suis étonné de devoir allumer la lumière la nuit pour aller aux toilettes et de ne pas être phosphorescente comme les "châteaux" dans les piscines radioactives d'une centrale nucléaire. Cela aura-t-il un impact sur mon état de santé dans les prochaines années? J'espère que non mais le doute est quand même là.
Ce qui est sidérant c'est que en comparaison des couts de ces investigations, les couts de consultations n'ont presque rien couté, l'acte intellectuel médical n'a que peu de valeur ajoutée et c'est triste limite voire méprisant pour ces personnes qui ont fait plus de 10 d'études...
Sur les 3 derniers mois, j'ai fait des consultations en secteur 3 à 90 euros...ce sont celles où j'ai vraiment eu l'impression d'un investissement sur ma santé et mon avenir. Celles où un nom a été donné, un traitement au long cours avec un espoir de guérison...J'ai fait en trois mois des progrès alors que les neuf mois précédents j'avais la sensation de m'enfoncer un peu plus chaque jour dans la douleur et la dépression. C'est pendant ces trois mois que j'ai pu me sevrer complètement en Rivotril, Durogésic et partiellement en Cymbalta.
Je me retourne sur le chemin et regarde la montagne de médicaments que j'ai ingurgité: à dix comprimés divers et variés par jour cela fait environ 3 650 sur un an...certains matins, je contemple dans la paume de la main ce qui va me tenir lieu de petit déjeuner. A coté des médicaments actifs, il y a aussi les médicaments pour pallier aux effets secondaires et prévenir d'autres complications. Ca remplit un estomac, je peux vous l'assurer! Mais de plus en plus, à contempler ces gelules, pilules et comprimés, ma gorge se sert, j'arrive de moins en moins à les avaler, j'en pleurerais: je sais qu'ils me soulagent, me soignent, me préviennent des complications...alors je me force et les avale le plus vite possible pour ne pas les jeter au loin et me recroqueviller dans mon coin pour pleurer.
Je me retourne sur mon chemin et regarde ma famille: cela va faire deux ans que nous ne sommes pas partis en vacances, que mon mari est fatigué, épuisé, que ma fille angoisse en voyant sa maman malade, ne pouvant pas faire de gâteau pour la kermesse de l'école. Cette année, je n'y suis même pas allé, j'avais trop mal et j'étais épuisée par les antibiotiques.
Ces chers antibiotiques, ils me soignent et me déglinguent: après une cure de 8 à 15 jours, je remonte la pente et redécouvre des possibilités qui m'avaient quittés un an auparavant...mais pendant la cure, je ne dors pas, mes nerfs sont à fleur de peau et je me reconnais à peine. Je devrais m'isoler complètement pendant ces périodes, le folie me gagnerait presque.
La folie...ce n'est rien à coté de ces jours où j'aurais pu en finir une bonne fois pour toute. Oui j'ai pensé au suicide. Autant comme une alerte pour les médecins qui m'ont méprisé que comme une envie de ne plus avoir mal enfin! Ce ne devrait pas être tabou de pouvoir en parler et pourtant bien des fois je me suis tu! Aujourd'hui encore, l'évoquer va déclencher vers mes proches qui me lisent des réactions, des commentaires...mais celui qui n'est jamais passé par là ne peut pas comprendre, même avec la meilleure volonté au monde.
Je me retourne sur ce chemin, si court et si vaste...j'ai fait peu de pas, mais ils m'ont tellement coûté humainement. J'ai perdu la fois en un système, en une humanité du personnel soignant: Les professionnels de santé empathe sont rares et précieux, j'ai pu en rencontrer sur Twitter et leur aide et leur soutien m'ont aidé à tenir le coup, à ne pas me laisser trop aller. J'ai perdu la foi en moi même aussi, moi qui pensais pouvoir soulever des montagnes, j'ai passé de longs mois à crier dans le désert. J'ai même abusé de l'alcool, juste pour obtenir cette légèreté éphémère et parfois m'abrutir pour enfin dormir. Je pleure de honte en l'écrivant mais taire l'effet des violences que j'ai subi n'est pas mieux. Que ceux qui veulent me juger prennent ma douleur pendant un an...je ne suis pas sure qu'ils feront mieux que moi. Je ne suis qu'un être humain, seulement humain...