De mon amour: mon mémoire 2

Cette dernière année, entre les stages, les partiels, boucler le programme de second cycle, se documenter, trouver des références, je n'avais déjà pas beaucoup de temps pour moi mais là encore moins...Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître: internet n'existait pas, les smart phones n'existaient pas, les téléphones portables ne faisaient que téléphone. Il n'était pas question de prendre des photos et encore moins de se préoccuper de sa boîte mail...
Trouver des références, c'était lire des livres. Le premier endroit où chercher était la bibliothèque de l'IFMK. Il y avait tout sur la prothèse de hanche, la ligamentoplastie du genou ou la rupture de coiffe des rotateurs. Mais un livre abordant mon sujet, à la fois simple et compliqué, je n'y trouvais rien d'intéressant, voire meme rien malgré la bonne volonté de la prof qui tenait une heure pas semaine l'ouverture de cette mini bibliotheque. Étant en région parisienne, j'ai décidé d'aller dans ce que je considérais comme le temple du savoir; la plus grande bibliothèque de France venait d'ouvrir ses portes. Desservi par un métro dernier cri automatique, je descendais dans cet espace dédié à la connaissance. ..
Tout cela pour trouver un livre et un seul qui traitait vaguement en 10 lignes de mon sujet...et uniquement sur l'aspect chirurgical...
Au moins j'aurais visité un superbe bâtiment.
Je savais que je partais alors sur une soutenance casse-gueule; sans référence, comment défendre ma rééducation, mes exercices...
Mon directeur de mémoire était peu présent et ne semblait pas s'impliquer pour m'aider. Nos rencontres se faisaient avec tous les postulants dont il était responsable, sur une terrasse de café vite fait parce qu'entre ses fonctions de cadre et ses cours, il ne disposait pas de temps. Les quelques conseils qu'il a pu me prodiguer auraient peut être été bénéfiques mais je n'y comprenais rien...j'ai vite décidé de faire comme je le sentais, d'appliquer le principe auquel je ne dérogerais plus par la suite: le gros bon sens, m'appuyer sur l'anatomie, la physiologie, la logique, la physique, l'humanité même !
Avec 15 ans de recul, je me rends compte que ce fut le bon choix. Ce mémoire aurait pu être beaucoup mieux mais je n'ai pas à en rougir de honte. Encore aujourd'hui, j'utiliserais la même approche...mais l'argumentation serait un peu plus fouillé et certaines annexes, notamment celle dédiée à la chimiothérapie, à sa surveillance et son antidote, seraient beaucoup plus étayée.
La seule difficulté qui me restait à dépasser était: quelle est la problématique? J'ai mis 10 ans à saisir ce que c'était que cette putain de problématique dans mon mémoire! Je l'avais mais sans m'en rendre vraiment compte. Je sais ce qu'est un problème, je me répétais souvent l'adage " il n'y a pas de problème sans solution"...sauf que tous les enseignants me disaient qu'un problème n'est pas une problématique.
J'ai toujours eu des soucis avec les mots, d'autant qu'il désigne un concept. Je suis une manuelle, je ne peux concevoir qu'avec mes mains...j'ai même tendance à être vite exaspèrée par les idées qui ne trouvent aucun débouché sur la réalité; une idée en l'air s'envole pour disparaître dans les nuages et s'évanouir avec la pluie...
Jusqu'au dernier jour, j'ai peaufiné ce document, scrutant chaque faute d'orthographe, revoyant une ou deux tournures de phrases...je n'étais pas satisfaite des photos que j'avais prise...Photoshop aurait pu m'être utile s'il avait existé à l'époque mais j'étais à la bonne vieille argentique des familles dans des conditions de prise de vues spartiates.
J'avais donc passé mes deux MSP...il ne me restait plus qu'à parler de L., un jeune de 14 ans, arthrodèse de hanche sur cancer...