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Carnet spécial d'une kiné et d'une patiente
16 septembre 2012

Et maintenant ça va mieux?

Aujourd'hui, mon corps est presque guéri. Pour la première fois, je n'ai pas ressenti la réaction de Jarisch-Herxeimer avec autant de virulence, je n'ai pas eu besoin de somnifères pour dormir. Je suis sevrée de la morphine, des antidépresseurs..et pourtant.

Le sevrage des morphiniques et de la codéine a été facile, j'ai toujours eu peur de devenir accro à ces substances. J'ai loupé quelques prises aussi mais la douleur m'a toujours rappelé à l'ordre. C'était le signe que j'en avais besoin et que je n'étais pas addict. Aujourd'hui la prise n'est pas systématique, je supporte un fond douloureux mais je ne me cote plus à 9/10 en EN comme avant. Bien sur, j'ai des douleurs mais ce sont plus des courbatures parce que je bouge plus, je fais plus de choses.

Pour les antidépresseurs, j'ai juste oublié et quand j'ai fait le point de mes médicaments pour le renouvellement, la quantité restante ne laissait aucun doute: je n'avais plus pris d'antidépresseurs depuis plus de 10 jours.

J'ai repris les arts martiaux. Cela me manquait énormément! Non seulement mes partenaires de tatami mais le fait que mon esprit et mon corps travaillaient ensemble, que j'éprouvais mes limites et que je les repoussais. L'aïkido me permet de me centrer, d'être moi, d'exister simplement. Le dojo est une pièce mais pas seulement. Un jour, j'ai fait le parallèle avec l'univers, c'était infiniment petit et infiniment grand car ce que je trouvais dans l'aïkido se ressentais dans la vie de tous les jours. Pour reprendre des expressions, j'étais assise, ou sur mes appuis. Je touchais le ciel et la terre, tout était connecté...je me sentais apaisée et heureuse, parfois à la limite de la béatification. J'étais centrée...

Je redécouvre ces sensations. Je pensais avoir oublié, tout oublié. Que ce soient les prises, les exercices d'échauffement spécifiques, l'étiquette. Et tout est revenu très vite, ce n'est pas le cerveau avec un raisonnement qui est revenu, mais les sensations, la mémoire du corps (merci mon cervelet) et ce bonheur de redécouvrir cet art.

J'ai fait un heure de cours. Mes muscles tremblaient sous l'effort, mon équilibre était précaire. Et je m'y attendais. Ce auquel je m'attendais le moins c'est d'avoir progressé par rapport à ma pratique antérieure. Avant j'avais beaucoup de difficultés dans les chutes (les ukemis) du fait d'une épaule instable. Mais le fait de ne plus avoir de muscles m'a aidé. Je suis beaucoup moins musclée et donc beaucoup moins tendue, je me suis beaucoup moins blessée que par le passé. J'ai eu des courbatures pendant 3 jours, mais j'ai eu le sourire accroché à mon visage même si en sortant j'étais à deux doigts de vomir et que je n'ai pu manger que 3 heures plus tard.

Mon corps va mieux mais l'esprit en a pris plein dans la tronche.

Se faire traiter de psy, ne pas être crue, être niée, affronter la ligne officielle du parti de l'institution d'une part. D'autre part, s'isoler du monde parce que l'on ne peut pas bouger, parce que l'on n'a pas envie de parler et de saouler les quelques amis qui restent. J'ai peur de sortir, de rencontrer du monde. Et j'en ai marre de devoir encore me battre contre la paperasse, contre les a priori et les peurs des autres. J'ai perdu ma place en réa. Officiellement, c'est toujours GrandHosto qui m'emploie mais je suis sans affectation précise. Si la médecine du travail est d'accord pour que je reprenne à mi-temps thérapeutique, ma hiérarchie me la refuse dans le service de réanimation. Je devrais donc réapprivoiser le travail avec des gens inconnus, dans un service inconnu, avec des patients atteints de pathologies que je n'ai pas soigné depuis des lustres, où je ne pourrais pas me projeter ou former un projet car je ne le vit que comme un passage...pauvres patients. C'est encore eux qui vont trinquer...je vais trinquer avec...c'est dégueulasse mais c'est comme ça et je n'y peux rien. L'esprit dans lequel a été inventé le temps partiel thérapeutique a été perverti. La notion de nécessité de service a également été pervertie. Au final, c'est la chefferie qui se donne le moins de souci.

Les amis auraient pu être là mais la plupart ont du affronter leur problèmes à eux. Pour savoir qui sont vos amis faites une fête, pour savoir lesquels sont authentiques, tombez malade.

Mon corps va mieux mais l'esprit a besoin de guérir lui aussi.

J'ai peur de sortir, le bruit d'une foule m'angoisse. J'ai peur de reprendre un travail qui me parait trop loin et surtout une forme d'exercice je ne pratiquais déjà pas avant mon arrêt, voire peut-être avant mon diplôme (et ça date). Bref, j'ai encore plein de combat à mener mais j'ai usé beaucoup de forces.

C'est maintenant que les gens ne comprennent pas. Bah oui, je vais "mieux" physiquement parlant c'est vrai...mais c'est le reste qui n'est pas encore guéri et qui est fragile. Et cela, je n'ai encore trouvé personne qui l'a compris. On pourra à nouveau me qualifier de psy...oui, cette fois, c'est psy. Ma psyché a été atteinte profondément. Ces blessures ne sont pas visibles mais elles existent bel et bien. Je suis toujours en colère, mon dragon s'apaise doucement, il ne lance plus de flammes mais il grogne encore. Je suis désabusée.

Cette épreuve de la vie me rappelle une petite histoire:

Un jour d'hiver, un oisillon tombe du nid. Il fait froid il va mourir. Un vache passe par là et prend pitié de l'oison mourant. Elle lui dépose une énorme bouse sur la tête pour tenter de le réchauffer. L'oison retrouve un peu de vivacité avec la chaleur et se met à pépier de bonheur. Un renard passant par là est interpellé par les pépiements provenant de la bouse fumante. Il fouille d'une patte, en sort l'oiseau, le débarrasse de sa gangue et le gobe.

Cette histoire a trois morales:

-Ce n'est pas parce que l'on te met dans la merde que l'on te veux du mal.

-Ce n'est pas parce que l'on te sort la merde que l'on te veux du bien

-Quand tu es dans la merde, tu la fermes.

 

Je ne sais pas si je pardonnerais un jour à ces quelques médecins qui ont failli me tuer avec leurs certitudes. Ce que je sais, c'est que je n'oublierais jamais. Je suis comme un chat, j'avais neuf vies...maintenant, il m'en reste sept.

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Commentaires
C
Bonjour; <br /> <br /> <br /> <br /> on ne sort jamais d'une épreuve sans des blessures interieures, invisibles et et que persenne ne veut ou peut comprendre, y compris les psy (eux encore moins, du moins je le pense). <br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui reste est une blessure qui se rappelle de temps en temps, qui affaiblit et renfort à la fois. Il faut seulement (quel mot dur) trouver la force et le courage de continuer, de commencer ou recommencer. Le non pardon est aussi une force incroyable de vaincre. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Je vous souhaite pleins de Courage et Succès pour la continuation de votre chemin. <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br /> PS sur les amis, je le savais depuis touours aussi je n'en ai point sauf sous forme de mes chiens et mes livres - et la société ne comprend absolument pas. C#est ma vie, pas la sienne.
M
Bonjour, et contente que ça aille mieux, vraiment. Mais je comprends qu'après tant de temps à se battre il faille se reconstruire, refaire des projets, recommencer à vivre. Alors je t'envoie toutes les pensées positives possibles.
L
Pensées à toi ma Biche. <br /> <br /> Non ce n'est pas fini, et ça prendra du temps, un temps infini parce que la blessure est profonde, très profonde et que ça ne guérit pas juste parce que tu as moins mal. <br /> <br /> Prend le temps qu'il te faut pour te recontruire, si besoin, tu sais qu'il y a du monde ici, pour t'écouter. Moi comprise. <br /> <br /> Tu m'as tellement donné au cours de ces quelques mois depuis la parution quasi simultanée de nos deux blogs, j'ai tellement appris, tellement avancée grâce à toi, je vis mon boulot tellement différemment depuis notre rencontre virtuelle... Je te suis tellement reconnaissante pour tout ça que j'ai mal au coeur de ne pas pouvoir t'aider un peu en retour. Je pense fort à toi ! <br /> <br /> <br /> <br /> Je te dédie les félicitations du service entier de réa pour l'une de mes kinés respi de ce week-end, au risque de me répéter, c'est en partie grâce à toi ! <br /> <br /> <br /> <br /> Et s'ils ne veulent pas de toi en réa, c'est des cons. Ils ne savent pas ce qu'ils perdent !<br /> <br /> <br /> <br /> Des bisous la belle, bon courage !
A
Biche, je suis contente que vous alliez mieux.<br /> <br /> refaire des activités quand on en a été privée longtemps est presque " incroyable " au début.. il faut aussi se " réentrainer" mentalementà re vivre.<br /> <br /> et meme la famille doit s'y mettre ( apprendre à vous lacher seule, ne pas s'inquieter, ne pas partir en voiture vous chercher en cas de retard etc.... en s'imaginant que vous etes tombée dans un coin, incapable de bouger par ex )<br /> <br /> tout le monde va petit à petit " réapprendre " à souffler, à etre plus cool. La vie va revenir pour toute la famille.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant aux autres, ils ne comprendront jamais réellement ce que c'était.D'où creation d'un autre probléme : soit on passe son temps à expliquer pourquoi par moment on n'est pas en forme , soit on laisse tomber..
M
Biche,<br /> <br /> <br /> <br /> Il faut le vivre pour comprendre. Il y a deux réactions immuables de la part de ceux qui ne l'ont pas vécu.<br /> <br /> <br /> <br /> La première est leur incompréhension devant notre soulagement quand le diagnostic tombe, enfin. Diable, comment, pourquoi, peut-on être réconforté par un diagnostic. Ces gens là ne savent pas que, pour combattre, connaître son ennemi est nécessaire, primordial, indispensable. Sinon, cela reviendrait à combattre un adversaire dans le noir : un adversaire qui vous voit, mais que vous en revanche, ne pouvez voir. Les dés sont pipés.<br /> <br /> <br /> <br /> La seconde est leur incompréhension devant notre hésitation, notre appréhension de retrouver toutes ces choses que l'on a perdues : sorties, travail etc. Diable, elle l'a réclamé en permanence et là, alors qu'elle a le feu vert, elle redoute. Et bien oui on hésite, on doute parce qu'un jour, quelqu'un a créé une brèche dans notre cerveau. Quelqu'un de reconnu par la société s'est permis, du fait de son ignorance, de nous dire que c'était dans notre tête. Puis un second l'a dit, puis un troisième. Et ils ont eu, l'espace d'un instant de faiblesse, raison de nous. Parce que l'équation est simple : si ces souffrances sont "dans la tête", je vais devoir vivre avec. Voilà ce que nous imposent ces grands manitous : faire le deuil de ce que l'on est. Mais on se bat, avec notre instinct de survie, et au fond de nous, même si on a pu douter, on sait que c'est dans note chaire et pas dans notre "tête". Mais ça laisse des traces. On perd confiance en soi, doucement mais sûrement. Et une fois venu le moment de retrouver sa vie d'antan, on se demande si on en sera capable. Et c'est légitime.<br /> <br /> <br /> <br /> Le temps panse les blessures. Il en faut du temps avant d'oublier ces ignorants arrogants. Et puis un jour, on se rend compte qu'on n'y pense plus. C'est l'école de la patience. Mais tu es forte. Et tu vas continuer à te relever. Tu resteras incomprise par certains (et ce n'est pas leur faute). Mais tu resteras entendue par nous tous qui avons connu ça. Ne l'oublie pas ma biche.<br /> <br /> <br /> <br /> Je t'embrasse très fort.
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