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Carnet spécial d'une kiné et d'une patiente
24 avril 2013

Enceinte...oui mais

Je suis une grande chanceuse...ou plutôt, quand la vie m'ammène des difficultés, je trouve assez souvent un bon élément pour me consoler.

 

Je demande par avance pardon aux couples qui ont des difficultés ou une impossibilité de conception et les invite simplement à clore ce message sans le lire. Je comprendrais même votre colère. Je préfère prévenir aussi les femmes enceintes, ou qui veulent l'être, qui atterriraient ici, je ne vous conseille pas de lire mes états d'ame sur ma grossesse, je ne me suis pas épanouie du tout, je n'étais ni radieuse ni euphorique. Mais si vous ressentez ce même état, cette lecture pourra peut-être (et je dis bien peut-être) vous consoler en vous disant que vous n'êtes pas seule et que vos sentiments vous appartiennent et que nul n'a le droit de vous juger là dessus.

 

Il y a un peu plus de 7 ans naissait mon Mogwai...j'étais ravie d'accueillir cette enfant mais je vais couper court à tous les mythes et idées reçues sur la grossesse.

J'ai longtemps culpabilisé, et l'on m'a culpabilisé aussi, parce que je ne m'épanouissait pas dans ma grossesse. J'ai eu de la chance, je n'ai rien eu de grave: pas de diabète gravidique malgré des antécédents familiaux importants, pas d'éclampsie ou de pré éclampsie, pas de malformations foetales...Normalement je n'aurais pas du me plaindre de quoi que ce soit, pensez-vous, c'est merveilleux d'attendre un enfant sans passer par une FIV ou une longue attente (essai transformé du premier coup) et tant pis pour les petits tracas...

Les petits tracas de la grossesse...j'ai donné. Alors tant pis si je choque certains par mes propos, mais ce fut dur pour moi.

On commence par les vomissements...ah ces chères nausées dites matinales censées se calmer à partir du second trimestre. Pour ma part, elles n'ont été cantonnées ni au matin ni au premier trimestre. J'ai côtoyé la cuvette pendant toute ma grossesse, du premier jusqu'au dernier jour...j'ai essayé tous les remèdes de grand mère, j'ai fractionné mes repas, je mangeais avant de me lever...mais je vomissais quand même 10 fois par jour et une à deux fois la nuit. J'étais épuisée et j'étais inquiète. Je m'inquiétais de développer une carence en quelque chose qui pouvait affecter durablement cet enfant en plein développement. J'ai du disposer dans mon appartement plein de bassines car bien souvent je n'arrivais pas à attendre la cuvette à temps. Cela a pu surprendre les quelques personnes que je pouvais côtoyer. Mon mari était même conditionné au bout d'un mois, un simple "Chéri, cuvette" suffisait à le faire bondir pour attraper la bassine et me l'apporter...Mes repas d'anniversaire de mariage et de rencontre ont terminé de la même manière par un retour à l'envoyeur. Au premier trimestre, je me disais que ça allait passer, que j'allais pouvoir m'épanouir au second trimestre...je n'ai pas eu de répit, mon mari tenait le haricot 1 minute avant que la sage-femme et la gynécologue ne me dise de pousser. "Manger beau" c'est clair parce qu'on va le revoir dans l'heure qui suit.

Lorsque j'ai fait part de ces "tracas" à mon gynécologue, j'ai eu droit aux piqûres IVD d'un cocktail pour tenter de garder quelque chose sur l'estomac...Une infirmière pour le matin et le soir et la piqûre du midi faite par des collègues IDE de mon service. J'avait les plis du coude remplis d'hématomes, un bras pouvant évoquer une toxicomanie à autre chose. Evidemment, en plein été, adieu les manches courtes pour éviter le regard des autres et le raccourci auquel j'ai eu droit "Tu te rends compte, elle est enceinte, elle se pique et elle n'a même pas honte".

Le pire ce fut dans l'entourage large. Une de mes collègues est tombée enceinte au même moment, ses nausées étaient là mais elle a pu les cacher jusqu'à la fin du premier trimestre. On m'a alors reproché de me plaindre, que je n'étais pas la seule à être enceinte et que les autres n'en faisait pas un fromage...le pire a été le jour où une "chère" collègue m'a sorti que si je vomissais autant c'est que je vomissais mon enfant.

En fait non, j'ai fait une dichotomie: j'ai séparé le fait d'attendre un enfant (j'en étais ravie) et le fait d'être enceinte (des sensations que je détestais). [Je vous rassure, à 5 voix contre 2, nous avons décidé que nous n'étions pas schizophrène.]

Mais je taisais beaucoup de choses, même à mon mari.

Un jour où ce fut trop, pleurant de douleurs dans la gorge et de sang dans ce que je venais de rejeter, j'ai lâché le morceau "Si ça s'arrete aujourd'hui, ce ne sera pas grave"...le ça désignant la grossesse, je voulais toujours un enfant mais je ne voulais plus être enceinte. Mon mari en a été choqué et j'ai eu droit à quelques remarques alors je n'ai plus rien dit. J'ai voulu en parler à mon gynécologue mais lui aussi a été choqué. Alors j'ai gardé tout cela pour moi. Je me suis laissé infantiliser par mon entourage proche et large mais je taisais tout ce que je ressentais au plus profond de moi.

 

Ah ce n'est que ça qui t'a géné pendant la grossesse?

 

Non, il y a eu ce jour ou plutôt cette nuit, où j'ai été réveillé à minuit avec l'impression qu'on m'enfonçait des petites aiguilles dans le ventre et une grande épée chauffée à blanc dans un rein (non pas un lumbago, une douleur au niveau de la charnière dorso-lombaire, en regard du rein droit). Je ne pensais pouvoir hurler de terreur et de douleur. Je pensais faire une fausse couche tardive...Mari en panique, il a fallu que je lui dise d'appeler le 15 entre deux vagues de douleurs et la panique qui me prenait à la gorge. Ambulance, hospitalisation, mais plus de peur que de mal heureusement, le petit bouchon n'avait rien et j'ai pu être soignée.

 

Bah ça va alors, c'est que ça?

 

Je n'ai pas arrêté de fumer pendant la grossesse, j'ai juste diminué...ah mais c'est pas bien, petit poids, enfant avec problème de santé...oui mais merde, le sevrage dans de telles conditions ce n'était juste pas possible, même si je savais pertinemment que le tabagisme est très émétisant. Je me souviens même d'une fois où le gynécologue voulait m'arreter (pour lla énième fois) et où j'ai refusé en disant que si je restais à la maison, je fumais plus donc je préférais aller travailler pour moins fumer et m'occupper l'esprit, penser à autre chose que la grossesse. J'enviait mon mari, s'il devait subir une femme enceinte le soir et les week-end, il avait lui la chance de pouvoir oublier cette grossesse pendant sa journée et pendant qu'il dormait. J'aurais parfois voulu qu'il me prenne ma nausée, juste quelques heures, histoire que je puisse souffler.

 

Avec les nausées et bébé qui grandit, il y a eu rapidement, les grandes remontées acides...j'avais la voix d'un sergent chef qui aurait bu beaucoup de bières et sucé des cailloux. Hors de question alors de dormir allongée, il me fallait être assise, dormir avec un coussin de voyage avec presque la bassine sur les genoux. Le point glamour était donc atteint. Je ne parle même pas des câlins qui me donnait le mal de mer...

 

Et puis un jour, une mauvaise nouvelle qui tombe, une de mes patientes, la mère d'une amie, décède. Nous étions en plein travaux de ré-aménagement dans notre nouvel appartement. J'ai voulu travailler, continuer mes enduits de lissage tant et si bien qu'à 21 heures je contractais, allait à la clinique et me faisait gronder par les sage-femmes et le gynécologue. J'ai du promettre de me calmer mais j'ai du aussi les menacer de signer ma pancarte pour sortir assister aux obsèques de ma patiente. Il était hors de question pour moi de ne pas être là pour soutenir la famille que je connaissais personnellement depuis mon adolescence.

 

Non, j'ai détesté être enceinte...

 

(à suivre)

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Commentaires
K
J'ai aussi très mal vécue la grossesse et pour rien au monde je ne m'y remettrai !! Et cela ne m'empêche pas d'apprécier la rejetonne. Tu n'es pas la seule rassure toi.
A
Je ne connais pas encore toutes ces réjouissances... j'espère pouvoir y échapper.<br /> <br /> Effectivement, on a le droit d'en avoir marre, on a le droit d'avoir envie de tout envoyer balader. SURTOUT, on a le droit de ne pas se mentir à soi même. C'est important.
D
Mais ouais fuck les tabous, tu as le droit de ne pas avoir été "heureuse et épanouie" enceinte !<br /> <br /> Ca me gonfle un peu cette obligation d'être "trop heureuse", ou alors de ne surtout pas se plaindre des "petits tracas"...<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis vraiment loin d'avoir eu tous les soucis que tu as eu vraiment. Même si ils sont "bénins". Je dirais même que je souhaite à toutes les femmes d'avoir des grossesses comme les miennes : quelques nausées les premiers mois certes, un peu de fatigue, un RGO assez relou aussi et de bonnes douleurs du bassin pendant les 3-4 derniers mois OK. A côté de ça rien d'autre, prise de poids minimum, aucun souci de santé, rien qui ne m'empêche d'aller bosser (sauf une flemmingite aiguë)<br /> <br /> <br /> <br /> Et ben c'est pas pour autant que je souris niaisement à longueur de journée en flottant sur un petit nuage de bonheur.<br /> <br /> <br /> <br /> OUI bien sûr, je suis heureuse de l'arrivée de cette enfant, vraiment vraiment. Mais oui ça me gonfle régulièrement d'être enceinte. C'est rigolo de la sentir bouger. Un peu. Mais c'est tout. <br /> <br /> La rave-party permanente dans l'utérus à me donner envie de vomir, bof. Ne pouvoir dormir ni sur le dos (malaise, compression des vaisseaux), ni complètement allongée (RGO) ni évidemment sur le ventre, et surtout ne pas bouger une fois dans le lit sinon mon bassin a l'impression d'être écartelé... ça n'a rien d'euphorisant.<br /> <br /> <br /> <br /> Et ce qui est le plus chiant, c'est bien que personne de comprenne ça. Mon mari me regarde régulièrement avec des yeux inquiets "on dirait que tu es pas heureuse d'être enceinte... " Et alors ça veut pas dire que je l'aimerais pas de tout mon coeur cet enfant !<br /> <br /> <br /> <br /> (alors que dire de la fois où moi aussi, début de grossesse de la Tétarde, paniquée car pas prévue, j'ai osé dire "si je fais une fausse couche c'est pas grave..." non là on touche au tabou du tabou ^^)
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